Après une discussion passionnée et passionnante avec une amie, j'ai écouté cette émission sur France Culture qui pose une question intéressante :"La notion d'identité culturelle a-t-elle un sens?". Selon le philosophe François Jullien la réponse est non. Et il va chercher dans la philosophie chinoise l'idée d'"entre". Les choses sont rarement dans l'immobilité de leurs extremes, mais souvent circulent sur le fil de la tension qui les réunit. Il propose donc de ne pas parler de différence, notion qui fige dans la séparation, mais d'écart, où un face à face est toujours (encore) possible.
« Face au risque de désintégration que connait la société française aujourd'hui(...), voilà qu'on s'est trouvé brutalement rappelé à la nécessité de penser les conditions d'un "vivre-ensemble"(...). Or de quoi celui-ci est-il fait ? Est-ce de tolérance et de compromis , comme on le prêche, chacun rabattant de ses valeurs et de ses convictions(...)? Ou bien une société ne se déploierait-elle pas plutôt au travers des écarts de ce qu'elle sait maintenir en regard, l'un se trouvant tourné activement vers l'autre, et chacun donc coopérant au commun.(...) Si "dialogue" peut encore avoir un sens, n'est pas qu'un cache-misère pour éviter le clash, il faudra donc le penser dans cette tension générant du commun à partie de l'écart et du vis-à-vis. D’écarts qui ne se referment pas en différences identitaires, mais ouvrent de l'entre où se produit un nouveau commun. » François Jullien, "L'identité culturelle n'existe pas", 2016, L'Herne, pp.76-77