C’est comme ça que Michel Bass, directeur de l’AFRESC, médecin en santé publique et sociologue, titre sa contribution à un ouvrage de 2008 : « Pourquoi les adolescents nous poussent-ils à inventer ». Dans un ouvrage avec un tel titre, la question de Michel Bass semble pertinente et même, préalable. Parce que inventer des dispositifs, des projets, des services pour la jeunesse n’est pas quelque chose de très difficile pour les professionnels et les structures que avec les jeunes travaillent depuis des années. Toutefois, dans son article, Bass insinue que, trop souvent, l’approche que les intervenants sociaux ont des jeunes est basée sur une prise en charge individualisée de la « souffrance psychologique »qu’on dit « typique » des adolescents qui peut en réalité être une manière de mettre à distance les vrais problèmes auxquelles les jeunes (et les adultes aussi) peuvent être confrontés.
L’image du jeune comme quelqu’un en souffrance, avec lequel il est difficile de communiquer, qui n’a pas de repères ou pas encore. Alors il faut lui en donner. Par contre il semblerait que ce soit cette même image à ériger un des murs qui rend difficile la communication.
Les jeunes se construisent en s’autonomisant, leur incertitude, leur indétermination, viennent de ce chemin de mise en discussion des normes de la société institué à travers lesquels on les regarde. Les adultes (bon, pas tous…) ont renoncé à interroger ce qui fait que le monde est tel qu’il est, et tous ces doutes, cette absence de maitrise (mais aussi ces possibilités infinies…) leur semblent les signes d’une non adaptation, d’une « souffrance », d’une adaptation trop difficile…qu’il faut soutenir et accompagner donc.
Bass reprend Castoriadis « Penser aujourd’hui la relation entre jeunes et adultes nécessite d’établir un autre type de relation entre la société instituante et la société instituée, entre les lois chaque fois données et l’activité réflexive permettant la libération de la créativité collective ».
Cette figure du jeune en souffrance est donc, selon Bass, d’un coté le refus d’accepter cette force de remise en question qui cherche à pousser les murs et de l’autre une lecture biaisée de la réalité qui est induite par la « distance instituée » entre les professionnels et les jeunes. L’expertise des professionnels est bien celle de pouvoir les aider à comprendre les normes de la société et de les accompagner à s’y adapter. Car dans le tâtonnement il n’y a pas d’expertise…
Cette distance instituée construit aussi, nous dit le sociologue, une approche individualisée aux problématiques sociales auxquelles les jeunes doivent faire face. Ce qui de fait occulte la dimension politique et collective de ces problématiques sur lesquelles on pense ne pas avoir de pouvoir…
Bref…un article intéressant, si vous avez l’occasion.